BiĂšre, retour sur cette aventure vaudoise nĂ©e en 1920 devenue un fleuron de l’industrie des sports de neige.

Quand, dans les annĂ©es 1950, les skieurs suisses figuraient aux premiĂšres places, ils Ă©taient Ă©quipĂ©s de skis Vampire fabriquĂ©s Ă  BiĂšre, rue de la Picarde, par l’entreprise Authier. Georges Schneider, de la Chaux-de-Fonds devint champion du monde de slalom Ă  Aspen, en NorvĂšge, en 1950 et Madeleine Berthod (native de ChĂąteau d’Oex et habitant Penthalaz) championne olympique de descente Ă  Cortina d’Ampezzo le jour de ses 25 ans, en 1956.

Débuts avec John Authier

Retraçons l’histoire de cette entreprise d’abord familiale, devenue au fil des annĂ©es un fleuron de l’industrie des sports de neige.

Tout a dĂ©butĂ© en 1910 quand John Authier, jeune charron, ouvre un atelier pour fabriquer rĂąteaux et fourches en bois. Cette activitĂ© liĂ©e au monde agricole se poursuivra pendant nombre d’annĂ©es en se diversifiant, offrant ainsi plusieurs centaines d’articles en bois allant des rĂąteaux aux Ă©chelles, en passant par des brouettes ou encore des meubles de cuisine.

L’usine s’était spĂ©cialisĂ©e et un de ses ouvriers, Henri Jotterand, Ă©tait capable de denter 50 rĂąteaux Ă  l’heure ce qui signifiait enchĂąsser 1200 dents en ce laps de temps!

Une des grosses productions fut celle des manches de pelle, envoyées par wagons, surtout en Valais, pour équiper les ouvriers engagés à la construction des barrages!

Skis aux armoiries de BiĂšre

Puis, en 1928, John Authier dĂ©cide de construire un bĂątiment pour y fabriquer aussi des skis. Ces premiers skis sont d’un seul modĂšle, en bois massif, avec pour logo l’appellation SUISKIS complĂ©tĂ©e par les trois sapins prĂ©sents sur les armoiries de la commune de BiĂšre. Ces skis ont pour noms ceux de montagnes mythiques: Matterhorn, Diablerets et Muveran.

TrĂšs vite les techniques Ă©voluent vers un ski en contreplaquĂ© avec un premier ski de compĂ©tition appelĂ© le Willy Steuri, du nom d’un champion suisse en descente et slalom qui remporta plusieurs fois une mĂ©daille lors des championnats du monde dans les annĂ©es 1930.

Les Vampire font fureur

En 1936, l’entreprise emploie une cinquantaine d’ouvriers et produit plus de 2000 paires de skis annuellement. Une diversification se met en place avec une gamme variĂ©e de lattes: skis de piste, skis de fond et mĂȘme skis pour le saut.

AprĂšs la guerre 39-45, Authier dĂ©veloppe une gamme de skis pour dames en hickory, un bois dur mais flexible venant d’AmĂ©rique du Nord. Vu les bons rĂ©sultats obtenus avec ces lattes, on dĂ©cide de passer Ă  la production de skis pour hommes, les fameux Vampire qui firent fureur dans les annĂ©es suivantes.

Une usine de 3’000 m2

Les Jeux Olympiques de Saint-Moritz (1948) donnĂšrent lettres de noblesse au produit et convainquirent les responsables de la FĂ©dĂ©ration suisse d’équiper leurs coureurs de skis Vampire dĂšs les championnats du monde d’Aspen en 1950.

Plusieurs brevets furent dĂ©posĂ©s pendant ces annĂ©es. Mais la concurrence devint de plus en plus rude de sorte que dĂšs 1957, les deux fils du fondateur qui avaient succĂ©dĂ©, en 1953, Ă  leur pĂšre Ă  la tĂȘte de l’entreprise dĂ©cident de cesser la production de skis de compĂ©tition. Ils se tournent vers un marchĂ© tout public. Comme leurs skis Ă©taient nettement plus avantageux que ceux de nombre de leurs concurrents, les affaires sont florissantes Ă  tel point qu’ils font construire une nouvelle usine de 3000 m2, entiĂšrement dĂ©volue Ă  la fabrication des skis.

Le soir du 15 janvier 1960, par une forte bise et une tempĂ©rature sibĂ©rienne, le site de la Picarde est la proie des flammes. Les dĂ©gĂąts sont considĂ©rables et s’élĂšvent Ă  plusieurs millions, la production doit ĂȘtre dĂ©placĂ©e et c’est Ă  Orbe, dans un entrepĂŽt dĂ©saffectĂ©, appartenant aux Moulins Rod qu’elle peut redĂ©marrer. Pendant deux ans, le transfert du personnel est assurĂ© par quatre cars entre BiĂšre et Orbe.

50’000 paires produites par an

En 1962 s’ouvre enfin la nouvelle usine de BiĂšre. La production annuelle atteint 50’000 paires. La mĂ©canisation et l’automatisation se poursuivent pour des skis mĂ©talliques et plastiques dont les prix restent trĂšs compĂ©titifs. Le premier ski en plastique et fibre de verre, le Fiberglass est fabriquĂ© dĂšs 1964.

En 1968, 46’000 paires sortent de l’usine dont 70% en mĂ©tal, 20% en fibre de verre et 10% en bois, ce qui reprĂ©sente 15% de la production de skis Ă  l’échelle nationale. À la fin des annĂ©es 1960, Authier fournit les skis de l’équipe suisse junior.

Rossignol rachùte l’usine

Soucieux de conquĂ©rir de nouveaux marchĂ©s outre-Atlantique, Authier s’allie en 1969 avec une firme amĂ©ricaine, active dans les loisirs. Ainsi naĂźt la Olin Authier SA. Cette nouvelle sociĂ©tĂ© conçoit et met au point une gamme de skis Olin, destinĂ©e au marchĂ© europĂ©en mais le vent tourne, les affaires pĂ©riclitent et en 1972 c’est la fermeture de l’usine, 120 personnes sont au chĂŽmage.

Entre-temps les frĂšres Authier se sont retirĂ©s de l’entreprise. La concurrence est devenue trop rude et deux hivers avec peu de neige se sont succĂ©dĂ©. les responsables de l’entreprise cherchent un repreneur.

C’est finalement l’entreprise française Rossignol qui redonne vie au site de BiĂšre pendant une quinzaine d’annĂ©es. La production reprend axĂ©e sur des skis en fibre de verre de milieu de gamme. Elle atteint 60’000 paires en 1987 (cinquiĂšme position sur le marchĂ© helvĂ©tique) dont un tiers de skis Authier, un tiers de skis Rossignol et un tiers de skis Lange, cette marque reprise par Rossignol Ă©tant plutĂŽt connue pour ses chaussures de ski. Mais la production en Suisse coĂ»te cher, trop cher et Rossignol veut se sĂ©parer d’Authier. Usine et marque sont Ă  nouveau en vente en 1988.

Un horloger suisse Pierre-Alain Blum, patron du groupe Ebel, reprend l’entreprise l’annĂ©e suivante. Il dit l’avoir fait sur un «coup de coeur». Blum s’associe avec le reprĂ©sentant de Rossignol Suisse, Gaston Haldemann qui devient directeur technique et Marc Biver, manager de Pirmin Zurbriggen alors au sommet de sa gloire.

Nouvelle stratégie définie

La nouvelle équipe vise un seul produit de haut de gamme et définit une nouvelle stratégie. Les conditions financiÚres sont bonnes. Le canton de Vaud a consenti une exonération fiscale et la Banque Cantonale un crédit à des conditions favorables.

MalgrĂ© l’engagement d’un nouveau et jeune directeur de 35 ans Jean Dutruilh, ancien champion de ski acrobatique et la collaboration de Zurbriggen, nommĂ© chef de produit, rien n’y fait. Le rĂȘve de relancer la marque Authier sur le marchĂ© international fait long feu, malgrĂ© une grosse campagne publicitaire. Le marchĂ© est morose, les ventes stagnent. On tente bien de lancer une diversification de la production avec une gamme de vĂȘtements de sport appelĂ©e Authier Life Style et mĂȘme en produisant deux modĂšles de mountain bike pliable. Le succĂšs n’est pas au rendez-vous.

Fin 1994 tout s’écroule

L’entreprise continue sa marche cahin-caha. Elle manque souvent de liquiditĂ©s. Quelques commandes permettent de maintenir une production, telle que celle de 50’000 snowboards pour une entreprise suisse de Meilen. Finalement ce que tout le monde redoutait arrive: en 1994, un sursis concordataire est homologuĂ© et les 110 collaborateurs sont dans l’expectative: y aura-t-il un repreneur? C’est alors que Franz Kneissl, petit-fils du fondateur de la cĂ©lĂšbre marque autrichienne se dit intĂ©ressĂ© Ă  la reprise avec deux associĂ©s, voulant crĂ©er une Nouvelle Authier SA. La production reprend temporairement avec une grosse commande Ă  destination du Japon mais fin 1994 tout s’écroule, faute d’accord sur les prix de rachat de l’entreprise comme celui de la valeur des stocks. Un concordat pour abandon d’actifs est dĂ©crĂ©tĂ© en janvier 1995. L’entreprise est dĂ©sormais dĂ©finitivement fermĂ©e.

La Picarde zone artisanale

La derniÚre paire de skis Authier aura été celle présentée en 1994 pour la promotion des Jeux olympiques à Lausanne: the Lausanne 94 Authier Official Ski.

Depuis, le site de la Picarde Ă  BiĂšre a retrouvĂ© une activitĂ© artisanale et accueille plusieurs entreprise
 dont celle de Guy et GrĂ©gory Authier, respectivement petit-fils et arriĂšre-petit-fils du fondateur de l’entreprise.

Bernard Perrin

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