Fin juin 2020, François Margot, le «dinosaure de l’Ecole de Musique» (pour reprendre ses propres termes) où il enseigne depuis septembre 1977, part à la retraite. Il devait prendre congé le 3 mai lors d’une soirée-concert au PAM où il avait carte blanche, mais la pandémie en a décidé autrement! Quarante-trois ans d’enseignement, cela signifie plein de souvenirs, d’anecdotes, d’envies, mais surtout des rencontres avec plus de 200 élèves qui ont bénéficié de ses conseils.

Un personnage !

Fils de pasteur, il commence la musique par l’harmonica avant de passer à la flûte à bec. À huit ans, il se met au piano et, dès que ses pieds peuvent toucher les pédales, il s’installe à l’harmonium. Dès l’âge de 12 ans, il remplace à diverses reprises sa maman titulaire à cet instrument de l’Eglise libre de Sainte-Croix.

Après des cours d’orgue, il commence à enseigner… à 15 ans. Au fil des années, il participe à de nombreux concerts en tant que soliste, accompagnateur, musicien d’orchestre, chanteur et chef de choeur – comme «La Chorale de la Charrue» qui répétait à Dizy – que ce soit dans une petite église de la campagne vaudoise ou dans des endroits réputés aux USA et en Extrême-Orient. Il adore aussi se produire avec des potes et aborde tous les styles.

André Charlet a dit de lui qu’il était «un pianiste-né jouant les partitions les plus difficiles prima vista, soit sans les avoir travaillées, ce qui constitue une grâce». De l’homme lui-même, il ajoutait que «les yeux vifs et clairs, observateurs constants des gens et des choses, cachent la tendresse, la drôlerie, mais aussi l’émotion la plus pure et la plus innocente derrière le verre de lunettes.»

Personnage «inclassable» donc cet amoureux des jeux de mots à l’humour pince sans-rire? Oui, certainement! Sa trajectoire l’atteste… Il a la particularité de ne posséder aucun papier prouvant ses aptitudes, rien, excepté une attestation de l’Eglise réformée vaudoise obtenue en 1969: le niveau 3 des organistes. Et il arrive à la retraite, lui qui ado ne pensait pas atteindre le quart de siècle!

Un tourbillon dans la tête

«J’adore écrire, que ce soit de la musique ou du texte. Le moment important n’est pas quand on nous lit ou lorsqu’on nous écoute, mais celui où on élabore». L’inspiration est la résultante d’une sorte de tourbillon incessant dans la tête. Il existe toujours un prétexte de départ: une image, une conversation, un événement vécu… qui peut aboutir à quelque chose de non prévu. Ses créations sont généralement «assez complexes» et demandent aux interprètes un gros travail. «L’agencement des accords d’une partition peut être comparé à des techniques d’écriture, comme les acrostiches, faisant croire à une mélodie improvisée, alors que tout est fabriqué de manière stricte. Parfois j’y mets des constructions cachées! En tout cas, je m’amuse bien…»

Si l’on met de côté les arrangements, les chansons ou les thèmes de jazz, son catalogue compte plus de 400 oeuvres, dont des dizaines n’ont encore jamais été jouées en public. Il est aussi l’auteur d’un livre d’anecdotes musicales, «Le vélomoteur de Barbara»; le compositeur-interprète d’un double CD intitulé «Aigre-doux rêveur» ou le créateur d’un opéra: «Le monde bis». Il écrit ou compose au bistrot, peu à la maison. Texte ou musique, le premier jet s’avère souvent le bon chez François!

« J’ai eu beaucoup de chance »

Il estime avoir eu beaucoup de chance dans la vie. «Une chance que j’ai acceptée aussi, il est important de le dire. En effet, jeune, on m’a soumis des projets auxquels j’ai donné suite, car j’avais envie de faire de la musique. J’ai aimé cette diversité. Bien sûr, j’aurais peut-être pu avoir une carrière au plus haut niveau, car j’ai toujours eu mes rêves de gloire!», lance-t-il pince-sans-rire, ajoutant que «dans le fond, ça ne m’aurait pas dérangé. Mais voilà, mon parcours s’est trouvé ainsi».

Écrire le plus possible

À l’occasion de son soixantième anniversaire, il déclarait que «prendre ma retraite ne me déplaira pas. Mais la musique restera toujours présente dans ma tête.» Et aujourd’hui? François évoque des projets de balades dans notre pays, sa détermination à écrire le plus possible et son envie de renforcer sa pratique d’instruments comme l’alto et le cornet. Sur le plan musical, il ne prendra aucun engagement pour l’année qui vient, désireux de disposer de son temps comme il l’entend. «Et depuis 50 ans que je donne des cours, je crois en avoir fait le tour! En conclusion, que devrait vous dire le dinosaure que je suis? Enseignons-nous mieux qu’avant? Difficile de se prononcer; différemment, peut-être. Mes premiers élèves m’ont fait aimer l’enseignement. Et depuis, chacun ou presque a représenté une nouvelle découverte. Je ne sais pas ce qu’eux ont appris; mais moi, je n’ai jamais cessé d’apprendre!»

Claude-Alain Monnard

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