Les 18 et 19 janvier 2020, la Chorale de Cossonay donnait deux concerts, avec au programme la Messe en ré mineur de Blaise Mettraux et le Drei geistliche Lieder und Fuge de Mendelssohn. Puis, elle aurait dû participer à la Fête de la musique du 20 juin, à une série de quatre concerts avec le Chœur mixte de La Sarraz, ainsi qu’à la Cantonale de Gland en mai 2021. «À cause de la pandémie, les répétitions ont cessé en mars, puis on a repris fin août jusqu’en octobre, date à laquelle on a essayé de poursuivre par visioconférence, mais l’expérience n’a pas été convaincante. Donc tout a été mis en pause, sauf des liens que des membres entretiennent toujours par Zoom!», relève Simone Ros, vice-présidente de la Chorale. Espérons que la société retrouvera un rythme normal (comme nous) en 2022, année de son 170e anniversaire!

Création en 1852

Automne 1852: le bourg de Cossonay coule une existence paisible. Les travaux des champs, au rythme lent des bœufs sous le joug, occupent la majeure partie de la population. Quelques commerçants tiennent boutique. Chez Perey-Bonnard, en dégustant le vin à 35 centimes la bouteille, des citoyens discutent d’un projet de fondation d’une socié-té de chant.

Le 20 novembre 1852, les règlements sont approuvés. Ainsi, on apprend que pour être membre, il faut prouver par un examen individuel qu’on a «la voix juste» et payer une finance d’inscription d’un franc. Le président est chargé de «maintenir l’ordre pendant les réunions» fixées le samedi à 7 heures; elles sont obligatoires et toute absence «non excusée par la société est punie d’une amende de 30 centimes.» Le directeur surveille «la distribution des cahiers qui seront autographiés.» Le fumeur qui se permettra de «fumer dans la salle de réunion avant et après le chant» s’acquittera de 10 centimes de pénalité. On parle aussi de l’expulsion des membres qui manquent sans excuse quatre répétitions consécutives.

Signés par une vingtaine de messieurs, ces principes sont vite mis en application et le 30 janvier 1853 déjà, la Société de Chant donne son concert d’inauguration au Temple et participe, en mai, à la première Cantonale des chanteurs vaudois à Orbe.

Huit ans après sa création, la Société de Chant connaît sa première crise de croissance. Les chanteurs sont convoqués en vue d’évoquer une éventuelle dissolution. Heureusement le bon sens l’emporte, mais il subsiste des périodes difficiles. Lors de la guerre franco-allemande de 1870-1871, les répétitions se poursuivent et un concert est organisé au profit des «soldats pauvres au service de la Confédération». Les statuts de la Société sont révisés et une commission de musique est créée.

En 1879, les rangs s’éclaircissent et un appel est lancé afin de recruter de nouveaux membres. À la même époque, la question d’un chœur mixte est mise à l’ordre du jour. D’après le livret du centenaire, on note que «cette société sera tout à fait indépendante du chœur d’hommes. D’autre part, les recueils nécessaires pour les messieurs qui en feront partie seront payés par le produit du prochain concert. Quant aux demoiselles, elles se les procureront à leurs frais! »

Deux ans plus tard, en 1881, un bal est nouvellement organisé à l’issue du concert, dont l’entrée est fixée à 50 centimes.

Peu avant la fin du siècle, une nouvelle société voit le jour sous le nom de Chœur d’hommes: elle constitue un coup sensible pour la Société de Chant qui suspend ses répétitions durant une année entière.

En 1896, les deux groupes choraux font appel à un même directeur qui accepte, à condition qu’un accord se fasse entre les deux sociétés. Chaque groupement de chanteurs vote alors sa dissolution et le 10 novembre 1896, la Chorale de Cossonay est constituée avec 75 messieurs dans ses rangs. Dès lors les perspectives s’ouvrent de manière positive.

Apogée de la gloire en 1921

Durant le premier conflit mondial, les répétitions sont suspendues en 1914 et 1915, mais reprennent peu après. Malgré les événements internationaux, les activités de la Chorale s’avèrent intéressantes. En 1921, on peut lire qu’au concours de Lausanne, «notre Chorale atteint l’apogée de sa gloire!» Mais, après l’euphorie, il faut se remettre au travail pour ne pas «reculer». La mobilisation générale due à la Seconde Guerre mondiale porte un coup sensible aux effectifs: tout ralentit, mais on note néanmoins, par exemple, l’organisation en 1943 du concert du VIIe arrondissement de la Société cantonale, une manifestation d’envergure «couronnée d’une réussite totale». En 1956, la Chorale reprend avec succès des chants de la Fête des Vignerons de l’année précédente. Elle se produit aussi avec le Chœur de Dames, signe d’une évolution qui aboutit, le 4 janvier 1966, à la création officielle d’une société dénommée «Chorale de Cossonay – Chœur mixte». Les années suivantes sont marquées par nombre de soirées, de concerts ici et là, de Fêtes cantonales où la Chorale obtient de bons résultats, de sorties et de participations à des girons.

Inoubliable Fête du Parvis

En juin 1986, après des mois de préparation et un labeur énorme, un comité met sur pied le spectacle Le Cadran solaire joué à cinq reprises dans le cadre de la Fête du Parvis. (Texte et mise en scène de Gil Pi-doux, musique de Dominique Gesseney-Rappo). Ce qui paraissait tenir de la gageure s’est réalisé de manière magnifique. «Percevoir, oser, réaliser, telle a été l’attitude des responsables de la Fête qui nous invitent à fortifier le sentiment que nous dépendons étroitement les uns des autres», écrivait le syndic Robert Chabanel dans le livret de fête, paroles complétées par le préfet André Despland pour qui «La Fête du Parvis est l’image et le symbole de l’effort mis en commun, pour jouer et chanter ensemble l’amour de la cité».

Afin de marquer son 150e anniversaire, en octobre 2002, la Chorale s’offre en création une féerie théâtro-musicale, La Fée de l’étang, dont les auteurs sont Simone Collet pour le livret et René Falquet pour la musique. Comme les intentions du comité sont d’avoir une fête la plus locale possible, la partie théâtrale est confiée à la troupe des Tréteaux de Cossonay, qui ont su, avec beaucoup d’enthousiasme et de talent, entraîner le public et les participants au pays des légendes.

« Vivre sans chanter ? Impossible ! »

Marianne Braissant a intégré la Chorale en 1967, en compagnie de ses parents. À ce jour, elle est la doyenne en termes d’années de sociétariat. La musique et le chant lui apportent énormément. «À la maison, avec mes sœurs, on chantait tout le temps. Et quand je suis devenue maman, la tradition a continué. Je n’ai jamais pu vivre sans chanter!», explique-t-elle. En évoquant ses débuts, elle note qu’il y avait pas mal de jeunes dans la Chorale et que la moyenne d’âge devait tourner autour des 40 ans. Deux directeurs l’ont marquée, Jean Rochat (1967-1977) et René Martinet (1991-2008), dont elle vante les côtés à la fois exigeants et chaleureux. Elle a participé à toutes les Cantonales et a fort apprécié l’ambiance de ces manifestations. «Quand René Martinet, debout sur une table, faisait chanter toute une salle, c’était extraordinaire!»

Dans le répertoire de la Chorale, Marianne a aimé les concerts classiques, La Fête du Parvis et La Fée de l’Etang. Elle cite aussi un événement la ramenant 45 ans en arrière qu’elle qualifie de génial: «En 1976, on a dû tenir le rôle de figurants pour le film «Jean-Christophe», avec Magali Noël dans le rôle principal. Deux jours de tournage dans la vieille ville de Cossonay et des scènes dans l’Eglise pour un mariage où l’on devait chanter, en costumes d’époque, tout fous de rencontrer du beau monde!»

Renouveler les effectifs

La Chorale existe depuis bientôt 170 ans, une longévité quasi exceptionnelle. Aujourd’hui, son 28e directeur se nomme Gabriel Ducommun et Michiel de Vaan en est son 48e président.

Pour Simone Ros, l’avenir s’annonce en pointillé. Elle se demande si cette pause forcée due au Covid ne va pas entraîner des cessations d’activité de plusieurs membres. Elle évoque aussi la grande difficulté à renouveler les effectifs. «Actuellement, les jeunes fonctionnent par projets et ils ne veulent plus s’engager sur le long terme. Autrefois, un fort esprit de groupe ou de village existait, tandis que maintenant on est plutôt une famille distendue qui fatigue, même si le chant apporte plein de bonnes choses. Dans nos chorales, nous devrons, je pense, opérer des restructurations et des regroupements.» Alors, demain? Il s’agit de poursuivre! Comme le dit le poète espagnol Gabriel Celaya: «Tant que sur terre il restera un être humain pour chanter, il nous sera encore permis d’espérer.»

Claude-Alain Monnard

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