Après avoir mangé une viande, je ne comprends pas pourquoi c’est faux d’écrire: « Faire bonne chair ». La viande, c’est de la chair, non? Pourquoi faut-il écrire: « Faire bonne chère » ?

Vous avez raison, l’expression «Faire bonne chère» signifie: faire un bon repas. Mais ça n’a pas toujours été le cas. Dans La Chanson de Roland, composée à la fin du XIe siècle, on lit: «Quand Marsile l’entend, il se tourne vers la paroi. Ses yeux pleurent, toute sa chère retombe.» Ici, le mot «chère» (formé sur le latin cara) signifie «face» ou «visage». Au XIIIe siècle, on utilise l’expression «Faire bonne chère» pour dire que l’on réserve un bon accueil (c’est-à-dire une mine réjouie) à ses invités. C’est seulement à partir du milieu du XIVe siècle que l’expression se limite au sens de faire un bon repas, sans doute influencée par l’homonyme «chair» (viande). La chère qualifie donc une nourriture de bonne qualité (pas uniquement de la viande). Ce terme littéraire désigne tout ce qui se rapporte à la délicatesse, la quantité, mais aussi la qualité d’un mets.

Pourquoi, lorsqu’on utilise l’expression « Ils sont légion » ne met-on pas le mot « légion » au pluriel ?

Cela paraît bizarre en effet: on n’accorde jamais «légion» au pluriel dans cette locution. Pourquoi? Parce que ce mot désigne lui-même l’idée d’un grand nombre de troupes. L’expression «être légion» tire son origine dans l’histoire de l’Empire romain. En effet, du fait du grand nombre de soldats dans les légions romaines, le mot «légion» a pris le sens de «nombreux».

Les définitions complètes du mot «légion» sont les suivantes: «Grande unité de l’armée romaine comprenant des fantassins et des cavaliers»; «Armée immense, innombrable (d’anges ou de démons)» (dans le registre biblique). Ainsi, «légion», étant synonyme de «nombreux», on n’a pas besoin de l’accorder au pluriel! À noter que ce mot vient du latin legio («troupe») mais aussi du latin legere, qui signifie «choisir». Cela est dû, selon certains linguistes, au fait que les phalanges romaines étaient choisies avec précaution, ou bien qu’elles pouvaient tout simplement se choisir un compagnon d’arme.

Gisèle Droux

Que signifie l’expression : « Regarder par le petit bout de la lorgnette » ?

Quand on dit de quelqu’un qu’il regarde les choses par le petit bout de la lorgnette, on exprime l’idée que cette personne a des vues étriquées et un esprit étroit; en effet elle observe une situation en exagérant l’importance de détails et en négligeant toute vision d’ensemble. Notre lorgnette, ici, est instrument optique, généralement rétractable, qui permet de voir de plus près et avec plus de détail des choses éloignées; une demi-paire de jumelles, en quelque sorte. Si son sens est clair pour la plupart des gens, elle semble pourtant souvent absurde à certains car ils croient que «voir par le petit bout», veut dire tenir la lorgnette à l’envers, avec le gros bout devant l’œil. Mais c’est bien du bon usage de la lorgnette qu’il s’agit! En effet, si vous utilisez normalement cet instrument, avec l’œil sur le petit bout (vous regardez bien alors «par le petit bout») pour viser un objet relativement proche, vous n’en verrez qu’une petite partie, démesurément grossie. L’objet étant vu à travers la lorgnette, vous n’en voyez que des détails et la vue d’ensemble vous échappe. La métaphore de notre expression devient donc limpide.

Mot d’auteur

« Mais peut on croire aux disparitions sans héritage ? Aux évanouissements absolus ? Je n’y croyais pas. Je n’y crois toujours pas. Il y a une présence qui demeure après tout départ. Peut-être même la vraie présence des êtres et des choses commence-t-elle seulement après leur disparition. »

Citation de «La plus secrète mémoire des hommes» de Mohamed Mbougar Sarr (2021)

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