The Sound of Silence

Imaginez un spectacle totalement fou dans lequel Fred Astaire, Charlie Chaplin et Giulia Steingruber exécuteraient une série de sketches délirants sur un scénario de Tex Avery et des Monty Python dans une mise en scène de Salvador Dali. Illusoire? Fantasmé? Le résultat de Jump de Starbugs Comedy n’en était pourtant pas si éloigné, ce 8 décembre au Théâtre du Pré-aux-Moines!

Et que le temps aura été long! Prévue initialement en avril 2020, cette première du spectacle en terre romande aura été reportée pas moins de trois fois. D’où une joie palpable, tant du côté des artistes que de l’équipe du théâtre, lorsque le public, comme un seul homme, s’est levé à l’issue d’une heure et demie de franche rigolade pour ovationner Fabian Berger, Wassilis Reigel et Martin Burtscher, les trois membres de la troupe, que le public romand avait déjà eu l’occasion d’apercevoir dans quelques productions du cirque Knie.

C’est en effet un vrai défi physique, artistique et chorégraphique que se sont donné les trois Bernois dans un spectacle frénétiquement rythmé. La trame? Il n’y en a pas et c’est tant mieux. On passe d’un sketch a l’autre sans avoir le temps de s’ennuyer, balançant de rire en rire sur des musiques entraînantes et entêtantes, d’Adèle à Bonnie Tyler, d’Henry Mancini à James Brown. Les histoires sont de petits condensés d’absurde muet, d’un combat de samouraïs version jeux vidéos à une habile chorégraphie mêlant segways et sèche-cheveux.

Le défi est pluriel, car on ne saurait caser le trio dans un seul registre, tant il sait naviguer de la danse au théâtre, de l’illusionnisme au transformisme et de la performance physique à la subtilité émotionnelle. Derrière un semblant de détente permanente, tout semble minuté: les bruitages préenregistrés qui ajoutent à la drôlerie de l’instant demandent aux trois lurons une précision folle. Et le résultat est là. Pas un pas à côté. Pas une cascade manquée. Et surtout pas une seconde d’ennui.

À travers cette performance magistrale, Starbugs Comedy nous montre aussi la richesse de la diversité culturelle helvétique. Alors qu’Alémaniques et Romands semblent bien souvent se tourner le dos sur un plan artistique, il manque encore trop de ces instants de partage entre les deux côtés de la Sarine. En se fixant sur le geste plutôt que sur la parole, le collectif réussit brillamment cet exercice. De là à dire qu’il faut que les Suisses-Allemands se taisent pour qu’on les applaudisse, il n’y a qu’un pas, que nous ne franchirons évidemment pas…

TEXTE GRÉGOIRE DE RHAM / PHOTO JIMMY ZANONE

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