D’eau et d’âme
Le 5 octobre, 200 chaises toutes occupées autour de la piscine des Chavannes, du rythme, de la musique, des témoignages poignants, un beau jeu de lumières, 19 nageuses-danseuses aux qualités physiques, techniques, mentales et dotées d’une super expression corporelle pour créer les ballets aquatiques spectaculaires: c’était ça, «Sein-chronisées», spectacle initié il y a plus d’un an par Babou Schüpbach au terme de sa carrière internationale de natation synchronisée. «À ce moment, j’ai été diagnostiquée avec un fibroadénome dans la poitrine qui a nécessité une opération. Je me suis retrouvée sur ce lit d’hôpital et me suis dit qu’il fallait que je fasse quelque chose de concret avec ça», explique-t-elle.
Le choc, le déni et les tactiques
Ce spectacle est bâti selon les étapes du deuil et de la maladie décrites par la psychologue suisse Elisabeth Kübler-Ross. Après l’annonce du diagnostic et du choc qui s’en suit, survient le déni et ses «tactiques»: «J’ai alors dansé avec le démon, dans une valse parfois lente ou rapprochée. Pour les rendez-vous médicaux, je me maquillais comme si j’allais danser; puis je me terrais dans ma maison, le temps de récupérer.»
La colère survient alors comme le suggère cet enfant: «Papa et maman m’expliquent que maman a une petite boule et que cette dernière la mange. Les médecins m’ont donné un livre qui parle de la petite boule. Je comprends que la petite boule est méchante. Je commence à être fâché. Si maman part au ciel, je pars avec elle.»
Ensuite, le marchandage constitue en des discussions pour un meilleur traitement. «Au fond, c’est une manière de garder un semblant de contrôle; parfois, une bouée illusoire vaut mieux qu’un naufrage inhumain.» La dépression perturbe pensées et émotions: «Elle m’a atteinte, mais m’a fait naître par la suite.» Quant à l’acceptation, il faut du temps pour l’apprivoiser et lâcher prise. «L’acceptation, c’est peut-être ne plus se cacher derrière une promesse. Aujourd’hui, je prends ce qui vient. L’acceptation n’est pas un choix, mais une respiration.»
À celles et ceux que l’on soutient
À Cossonay, le public a été impressionné par la qualité des ballets présentés et par l’engagement de l’ensemble des protagonistes. Il a été touché par le contenu des témoignages. Des moments de grand silence ont contrasté avec des applaudissement nourris au terme des arabesques aquatiques.
Et, comme le suggère Babou: «Dans l’eau, on transforme la lutte en force. Chaque geste, chaque note, chaque souffle devient un hommage à celles et ceux que l’on soutient. Notre spectacle, c’est du courage, mais surtout des émotions.» Dimanche passé, ces derniers propos ont submergé l’initiatrice de cet événement, qui a eu bien de la peine à finir son discours remerciant ses parents, ses proches et celles et ceux qui ont rendu son projet possible. Notez que «Sein-chronisées» sera encore donné une fois à Etoy, le 25 octobre au Centre sportif de la Tuilière. Et pourquoi pas ailleurs, car ça vaut vraiment le coup! ■
CLAUDE-ALAIN MONNARD / PHOTOS CHRISTOPHE COTTING