Avec derniĂšrement 330’000 clients par annĂ©e, l’infrastructure du funiculaire Cossonay-Penthalaz avait atteint sa capacitĂ© maximale. Par consĂ©quent, des usagers, ne pouvant entrer dans les cabines aux heures de pointe, devaient patienter. Il fallait donc rĂ©soudre ce problĂšme, d’oĂč la dĂ©cision prise par les responsables des MBC (Transports publics de la rĂ©gion Morges-BiĂšre-Cossonay) d’entreprendre de gros travaux en 2020 et 2021 afin de faire face Ă  l’évolution de la demande et d’offrir un service confortable. Les objectifs sont, entre autres, d’assurer l’accĂšs aux personnes Ă  mobilitĂ© rĂ©duite dans les meilleures conditions, de rĂ©duire le temps du trajet, de remplacer les deux cabines permettant d’augmenter la capacitĂ© d’accueil, de reconstruire les deux stations (de Cossonay-Ville et la Gare de Cossonay-Penthalaz) pour rĂ©pondre aux exigences techniques et sĂ©curitaires futures. Ainsi, depuis le 3 aoĂ»t 2020, le funiculaire ne circule plus; il est remplacĂ© par un service de bus, et ceci durant toute une annĂ©e.

1892 : création de la société

1847 voit l’ouverture de la premiĂšre ligne de chemin de fer entre Zurich et Baden. Avec l’adoption de la Constitution fĂ©dĂ©rale de 1848, l’avenir du rail appartient aux nouvelles autoritĂ©s helvĂ©tiques. Les Chambres votent la Loi sur les chemins de fer qui maintient la compĂ©tence des cantons dans leur droit de crĂ©er des lignes ferroviaires et de les exploiter, avec la possibilitĂ© d’accorder des concessions Ă  des privĂ©s.

DĂšs lors, on note l’apparition de multiples compagnies qui se livrent des luttes sans merci. En 1855, les lignes Yverdon-Bussigny et Bussigny-Morges s’ouvrent. Cossonay-Gare est ainsi reliĂ©e au rĂ©seau ferroviaire en passe de devenir national. En revanche, Cossonay-Ville se trouve isolĂ©e de la gare, mĂȘme si une diligence postale Ă  chevaux en assure la desserte rĂ©guliĂšre. Cet Ă©loignement et la diffĂ©rence d’altitude font naĂźtre petit Ă  petit le besoin de possĂ©der, pour le transport des personnes et des marchandises, un moyen de communication moins pĂ©nible et plus rapide que la route. L’élan initial pour la construction d’un funiculaire est alors donnĂ©: un comitĂ© d’initiative se constitue en 1891. En juin de la mĂȘme annĂ©e, l’AssemblĂ©e fĂ©dĂ©rale lui octroie une concession et, le 30 aoĂ»t 1892, une sociĂ©tĂ© anonyme est constituĂ©e sous le nom de Compagnie du chemin de fer funiculaire de la gare Ă  la ville de Cosso-nay (CG).

1897 : mise en service

Le grand mĂ©rite de ces prĂ©curseurs est d’avoir su faire face Ă  des difficultĂ©s aussi importantes qu’imprĂ©vues telles que la modification des profils de la voie ou l’affaissement des talus en remblai sur plus de cent mĂštres. Les travaux de remise en Ă©tat nĂ©cessaires pour drainer les eaux souterraines entraĂźnent des frais considĂ©rables et la CG ne peut pas, par ses propres moyens, faire face Ă  ces dĂ©penses.

AprĂšs de longues dĂ©marches, elle trouve un Ă©cho favorable auprĂšs de la Compagnie du chemin de fer Jura-Simplon. Le 28 aoĂ»t 1897, le funiculaire effectue sa premiĂšre course rĂ©guliĂšre! On peut imaginer l’engouement et la fiertĂ© que cette mise en service a provoquĂ©s: quelle rapiditĂ© et quels progrĂšs par rapport aux chars Ă  bancs! Au dĂ©but de l’exploitation, deux voitures Ă  caisses en bois de 35 places chacune sont Ă  disposition des usagers. Les plateformes destinĂ©es au wattman aval et amont sont ouvertes. Les deux stations sont coiffĂ©es d’une couverture montĂ©e sur pilotis en bois, selon l’esthĂ©tique de l’époque.

Par contrepoids d’eau

L’installation fonctionne par contrepoids d’eau, Ă  la vitesse de 2 m/s. Un rĂ©servoir de 5m3, placĂ© sous le plancher de la chaque voiture, se remplit Ă  l’amont oĂč un grand bassin a Ă©tĂ© creusĂ©. La voiture haute Ă©tant plus lourde que la voiture basse, il n’y a plus qu’à desserrer le frein Ă  main agissant sur les sabots, pour que les deux vĂ©hicules se mettent en mouvement. À l’arrivĂ©e de la station infĂ©rieure, un dispositif automatique soulĂšve la soupape de vidange. C’est lĂ  une source d’énergie bon marchĂ© et renouvelable, Ă  condition que l’eau soit abondante. Avec l’évolution des donnĂ©es Ă©conomiques et techniques, l’énergie hydraulique sera remplacĂ©e par l’électricitĂ© en 1982.

La direction de la CG a Ă©tĂ© assurĂ©e dĂšs le dĂ©but de l’exploitation par la compagnie du Jura-Simplon, puis par les CFF et cela jusqu’au 30 juin 1930. À cette Ă©poque, un service de voitures plus lĂ©gĂšres est mis en place et la crĂ©maillĂšre, source de difficultĂ©s en hiver, est abandonnĂ©e. Le transport des personnes et le trafic des marchandises s’intensifie continuellement. L’exploitation est confiĂ©e alors Ă  la SociĂ©tĂ© des Auto-Transports du pied du Jura (SAPJV) qui rĂ©silie son contrat Ă  fin 1965.

L’augmentation constante des charges d’exploitation amĂšne les responsables, sous l’impulsion de la direction du LEB (qui a remplacĂ© la SAPJV), Ă  Ă©tudier les possibilitĂ©s d’automatiser toute l’installation.

DÚs 1980, traction électrique

Entre 1968-1969, d’importants travaux sont alors entrepris, touchant notamment au contrĂŽle des entrĂ©es dans les stations et Ă  une surveillance Ă©lectronique de la traction. Des tourniquets dans les stations transmettent les donnĂ©es Ă  la centrale Ă©lectronique qui commande aussi le dĂ©part des vĂ©hicules, selon un horaire programmĂ© d’avance. Quand la voiture arrive Ă  la station supĂ©rieure, le rĂ©servoir d’eau se remplit Ă©galement automatiquement par une vanne Ă©lectrique tĂ©lĂ©commandĂ©e. Il fallut nĂ©anmoins attendre un certain temps pour que la fiabilitĂ© du nouveau systĂšme de commande mis en place soit atteinte. Pour autant, les travaux effectuĂ©s ne rĂ©solvent pas le problĂšme technique dans son ensemble. La vĂ©tustĂ© des vĂ©hicules et leur suspension laissent Ă  dĂ©sirer.

En outre, leur tare Ă©levĂ©e sollicite particuliĂšrement la superstructure (poids Ă  pleine charge de 13 tonnes). Bien que le systĂšme de traction Ă  contrepoids d’eau soit relativement bon marchĂ©, il ne rĂ©pond plus aux exigences d’une exploitation rationnelle d’un funiculaire et doit ĂȘtre abandonnĂ©. En cas d’affluence, il devenait impossible d’assurer un service ininterrompu, car le remplissage du rĂ©servoir du vĂ©hicule amont nĂ©cessitait 5 Ă  7 minutes, soit le temps d’une course supplĂ©mentaire!

D’autres raisons parlent encore en faveur d’une modernisation: le prĂ©lĂšvement de 250 tonnes d’eau par jour commence Ă  poser problĂšme en pĂ©riode d’étiage. De plus, l’introduction de l’horaire cadencĂ© par les CFF exige un mode de traction permettant d’offrir davantage de courses. Le 5 dĂ©cembre 1980, le Conseil d’administration du CG reçoit une rĂ©ponse favorable de l’OFT (Office fĂ©dĂ©ral des transports) Ă  son projet de rĂ©fection complet des installations, avec changement des voitures, passage Ă  la traction Ă©lectrique et restauration de la voie.

Plaquette pour les 100 ans

Le 22 février 1982, le Funi à traction hydraulique effectue sa derniÚre course. AprÚs seulement quatre mois de travaux, le 18 juin, le funiculaire reprend du service, mû par la traction électrique et avec des véhicules flambants neufs.

L’inauguration officielle se dĂ©roule le 10 septembre. AprĂšs qu’Anna Challet, alors prĂ©sidente du Conseil communal de Cossonay, eut coupĂ© le ruban symbolique, l’ingĂ©nieur Gilbert Rey remit officiellement le funiculaire modernisĂ© au prĂ©sident du Conseil d’administration, Robert Chabanel, syndic de Cossonay. Ce fut l’occasion de «marquer le coup» Ă  l’occasion de ce 85e anniversaire avec la sortie d’une brochure – dont l’auteur est Daniel Quinche – retraçant les diverses pĂ©ripĂ©ties de l’existence du Funi. L’opĂ©ration Ă©dition d’une plaquette est renouvelĂ©e pour les 100 ans et Robert Chabanel y prĂ©cise que «les blasons des communes de Penthalaz et Cossonay, ainsi que le sigle du CG, viennent donner une louche de couleurs bienvenue aux voitures du funi», relevant au passage l’anciennetĂ© des excellentes relations qui l’unissent Ă  ces deux agglomĂ©rations.

On raconte que


Les «anciens» évoquent de nombreuses anecdotes sur «leur» Funi. «Les employés portaient un uniforme et une casquette noire. Leur chef avait des galons dorés sur sa casquette et sa veste.»

Il arrivait que les pendulaires venant de Lausanne vers 18h soient contraints de descendre, car la cabine montante Ă©tait bondĂ©e et la voiture descendante, presque vide, avait de la peine Ă  faire le contre-poids. Donc, aprĂšs le croisement des voitures, le funiculaire s’arrĂȘtait: «Nous devions alors descendre et pousser le vĂ©hicule, mais nous montions souvent le long des voies sans aider le conducteur mĂ©content», dĂ©clare Huguette, une dame de Cossonay.

AndrĂ© ajoute qu’un code avec une sonnette donnait le dĂ©part et «quand il y avait trop de monde en bas, le conducteur sonnait trois-quatre fois afin que son collĂšgue du haut ajoute de l’eau. Et parfois, quand ce dernier s’était chicanĂ© avec celui du bas, il mettait exprĂšs insuffisamment d’eau afin que l’autre n’arrive pas en haut!»

Il paraĂźt aussi que des jeunes s’essayaient Ă  faire sauter le fourneau Ă  bois dans les voitures, en y introduisant des pĂ©tards.

Il ne faut pas non plus oublier l’histoire contĂ©e par Claude, Ă  propos de Rosita, la patronne du Buffet du Funiculaire: «Tous les jours, 365 fois par an, elle se baignait dans le rĂ©servoir d’eau du Funi. En hiver, elle cassait la glace et nous la voyions revenir du bassin avec son manteau!»

2012-2014 : gros travaux

En 2007, le funiculaire est intégré à la communauté tarifaire vaudoise Mobilis et au réseau des MBC. Les deux voitures font plus de 90 trajets par jour.

En 2012, le trafic du funiculaire est interrompu et remplacé par un service assuré par des bus. La ligne est alors complÚtement refaite et les véhicules révisés.

En juin 2014, c’est l’inauguration et le funiculaire arbore la livrĂ©e des MBC, Ă  savoir vert et beige.

Suite Ă  cette rĂ©novation, la voie est passĂ©e sur charpente mĂ©tallique reposant sur des massifs en bĂ©ton soutenus par des micropieux, Ă  cause des risques de glissements de terrain. L’entraĂźnement a Ă©tĂ© dimensionnĂ© pour une augmentation de dĂ©bit avec des vĂ©hicules plus grands et une vitesse du cĂąble plus Ă©levĂ©e. Le 10 juin, Ă  5h du matin, premiĂšre course dans du nouveau matĂ©riel pour les usagers!

Les annĂ©es passent, les techniques Ă©voluent, le trafic augmente, les responsables actuels, comme leurs prĂ©dĂ©cesseurs, procĂšdent aux amĂ©liorations et rĂ©novations indispensables, tout ceci dans un objectif qui n’a pas variĂ©: offrir aux usagers du Funi une qualitĂ© de transport adaptĂ©e Ă  son Ă©poque.

Reportage de Claude-Alain Monnard
Sources: Brochures du 85e et du 100e anniversaire éditées par la Compagnie du chemin de fer funiculaire Cossonay-Gare-Ville / Plaquette: «Récits du Bourg» (2016) / www.mbc.ch / fr.wikipedia.org / wikivaud.ch /
www.notrehistoire.ch / www.torpille.ch / www.cossonay.ch

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