C’est au Moulin d’Amour à Gollion (ça ne s’invente pas) que sont apparus d’étranges bovins depuis la fin de l’année 2017.

Des vaches? Non, des bufflonnes. D’origine asiatique, où ces animaux ont été domestiqués, ils furent importés dans nos contrées et ont pris le nom de buffle méditerranéen. Les mâles adultes pèsent de 700 à 900 kg, contre 500 kg en moyenne pour les bufflonnes.

Dans le canton de Vaud, Serge Baudet semble être le seul éleveur de ces bovidés. Il les a acquis pour une grande partie auprès des frères Stähli au Val-de-Travers, ainsi qu’auprès d’un éleveur en Suisse alémanique. Mais pourquoi se lancer dans cette aventure? «Parce que dans le domaine de la paysannerie, il faut savoir se diversifier pour pouvoir tenir le coup», répond l’agriculteur âgé de 53 ans et dont la ferme est située au Moulin d’Amour. Sa décision a été la conséquence de la perte de trois à quatre hectares de terrain à cause de la construction de la Route Cantonale 177. «Ma fille Emilie était alors en apprentissage à l’école d’agriculture de Grange Verney. Son chef lui a suggéré en plaisantant qu’au vu de la situation de l’exploitation au milieu de crêts (la moitié des 42 hectares n’étant pas labourable), elle devrait se lancer dans les buffles…»

Trois francs le litre de lait

Après réflexion, Serge Baudet et sa famille sont allés visiter la ferme des frères Stähli et se sont lancés peu après. Économiquement, une vache Holstein donne entre 8000 et 10’000 kg de lait par an (à 0,50 cts le litre). Une bufflone en produit quatre fois moins 2000 a 2500 kg de lait par an (mais à trois francs le litre).

Le lait est trois fois plus gras qu’une vache conventionnelle et il y a moins de lactose. C’est idéal pour la mozzarella. De surcroît, plus digeste que le lait de vache, le lait de bufflonne a un goût très doux. Et si les bufflonnes produisent environ 8 litres par jour, leur lait est très riche en matières: 8,5% de gras et 5% de protéines.

Ces produits, vous allez pouvoir y goûter dès la fin mars à la Fromagerie André à Romanel-sur-Morges qui va transformer le lait récolté par Serge Baudet en mozzarella di bufala et en yogourts. À ce propos, comment se passe la traite? Elle a lieu deux fois par jour et elle dure plus longtemps qu’avec des vaches. Au Moulin d’Amour, il faut une heure et quart pour traire les 15 bufflonnes, qui se succèdent dans un local ou quatre postes sont aménagés. Afin d’éviter que les bovidés s’énervent, chacun reçoit un «petit déjeuner» (soit un bidon de maïs avec sels minéraux et huile de foie de morue) préparé par la grand-maman Huguette.

Une bufflonne s’échappe

Tout se passe donc à merveille sinon qu’en février 2018, après son arrivée à Gollion, une bufflonne qui venait de mettre bas, a été prise d’une crise de panique: elle a sauté une barrière puis un mur et s’est échappée direction la Venoge, puis a longé les voies de chemin de fer, obligeant les trains à ralentir…

Serge Baudet a appelé le syndic Pierre-André Pernoud et le municipal Jacques Lipp qui sont venus à la rescousse, mais n’ont rien pu faire. Puis David, le fils de Serge est allé chercher le petit bufflon afin de tenter de calmer sa maman. Mais cela n’a fait que l’exciter encore plus et elle a chargé Baudet père, avant de repartir vers les rails et de faire le tour de la région (Vufflens, Penthaz, Cossonay, Lussery-Villars et Daillens).

Deux gendarmes sont venus en renfort et ce n’est que le lendemain vers quatre heures du matin que l’animal de 600 kg a pu être endormi et ramené à la ferme (après avoir chargé la voiture du syndic de Gollion ainsi que celle des gendarmes!). Serge Baudet a alors préféré qu’elle retrouve (avec son petit) la ferme alémanique où il l’avait achetée. Un lieu où, peu après, elle est redevenue sociable.

«Ce sont des animaux qui décident de vous faire confiance ou pas, constate Serge Baudet. Mais lorsqu’ils vous adoptent, ils deviennent adorables et affectueux. Pour rester domestiquées, les bufflonnes ont besoin de ce contact humain.»

Quant à la prochaine montée à l’alpage, elle aura lieu, comme en 2018, dans un pâturage appartenant à Thomas Berdoz, non loin de La Lécherette, où les bufflonnes brouteront à 50m du barrage de l’Hongrin…

Pascal Pellegrino

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