Béjart Ballet Lausanne, dis quand reviendras-tu?

Ta présence au Théâtre du Pré-aux-Moines de Cossonay durant deux représentations était exceptionnelle, autant dans le sens «admirable; sensationnel» que dans le sens «unique; qui possède un caractère d’exception». Et c’est justement en regard de cette seconde signification que le public des deux salles pleines à craquer de jeudi et vendredi passé, te dit tout simplement: «Ne me quitte pas».

Non, ne nous quitte plus, Béjart Ballet Lausanne! Reviens nous voir bientôt sur cette scène inhabituelle pour toi et que tu as transformée en un magnifique écrin pour ce spectacle composés de six moments dansés, chorégraphiés par Maurice Béjart. Il y avait dans l’ordre: Sonate no 5 – Vivace, sur une musique de Bach; Don Giovanni, sur une musique de Mozart; La porte (Pierre Henry); Dibouk (musique traditionnelle juive); Opéra (Verdi) et la Suite Brel et Barbara.

Parler de «best of» serait inapproprié, tant est inélégant cet anglicisme utilisé partout comme un fourre-tout de circonstance. Préférons-lui le terme de «florilège». Etymologiquement, ce mot se traduit par: «qui choisit les fleurs». On ne pourrait trouver mieux pour décrire l’objectif de Gil Roman, directeur du BBL, à qui on doit cette formidable idée de sortir de la ville pour investir un théâtre à la campagne, une idée qui va dans la droite ligne de démocratisation de la danse, fil rouge de la carrière de Béjart.

Quand on n’a que l’amour

Dans l’abondant bouquet constitué par le chorégraphe marseillais décédé à Lausanne en 2007, Gil Roman a choisi des fleurs adaptées à la taille de la scène du Pré-aux-Moines. Adaptées aussi à l’intimité de cette salle de 350 fauteuils où l’on est littéralement à côté des danseuses et danseurs. Il a composé un fabuleux assemblage avec un crescendo naturel qui nous dépose tout doucement sur cette mythique chanson finale de Brel: «Quand on n’a que l’amour».

«Quand on n’a que l’amour, à offrir en prière, pour les maux de la terre, en simple troubadour…» chantait le Grand Jacques. C’est ce que tu as fait Béjart Ballet Lausanne. Ton amour transpire dans chacune de ces pièces et tu le délivres comme le cadeau d’un troubadour dressant – le temps d’une représentation –deux parenthèses enchantées dans ce globe où les maux se résument à un seul mot depuis deux interminables années…

La danse est le langage le plus approprié pour s’enfuir du quotidien. C’est un langage où il n’y a rien à comprendre et tout à ressentir. C’est le langage des sens par excellence, un langage universel qui, par la grâce des interprètes, atteint le sublime. Tout comme on est frappé du nombre infini de musiques que l’on peut composer sur les 88 touches d’un piano, on est ébloui par l’immensité des possibilités chorégraphiques de l’humain. D’où le titre du présent article: la danse, c’est aussi et surtout le langage de «l’humainsité».

Dernier point: ce spectacle était merveilleux, car tu formais un tout, Béjart Ballet Lausanne. C’était toi dans ta rayonnante diversité, toi la compagnie née il y a trente-cinq ans et qui, depuis, a fait vibrer la planète entière. Ces deux soirs à Cossonay, 17 danseuses et danseurs étaient présent(e)s sur scène (sur les 38 talents que tu comptes en ton sein), c’était le spectacle d’une troupe mythique qui toujours nous bouleverse et nous enthousiasme. Une troupe unie, que l’on n’imagine pas citer autrement que dans sa totalité (et dans l’ordre alphabétique des noms).

Mille bravos et mille mercis à:

Carme Andres (Espagne), Gabriel Arenas Ruiz (Belgique), Dorian Browne (France), Solène Burel (France), Jasmine Cammarota (Italie), Kwinten Guilliams (Belgique), Hideo Kishimoto (Japon), Min Kyung Lee (Corée du Sud), Andrea Luzi (Italie), Leroy Mokgatle (Afrique du Sud), Mari Ohashi (Japon), Masayoshi Onuki (Japon), Vito Pansini (Italie), Paolo Randon (Italie), Elisabet Ros (Espagne), Bianca Stoicheciu (Roumanie) Jiayong Sun (Chine).

Jeudi et vendredi passé, Béjart Ballet Lausanne, deux longues standing ovation pleine de fougue, d’énergie positive et de reconnaissance ont accompagné ton retour en coulisses à l’issue du spectacle (et ont accompagné ensuite les rêves de pas mal de personnes, dont le soussigné). Alors, Béjart Ballet Lausanne, prends ton agenda s’il te plaît et on regarde pour fixer ton retour au PAM!

Pascal Pellegrino
Photos Jimmy Zanone

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