Pour retracer son parcours, il songeait depuis longtemps à la rédaction d’un livre destiné à ses proches. «Mes nuits d’insomnie ont constitué le déclencheur nécessaire et l’opportunité d’utiliser ces heures à bon escient. D’où l’ouvrage intitulé «Paysan, tu seras!», explique Jacques Chollet dans sa maison de Cossonay où il réside depuis avril 2021 en compagnie de son épouse Rachel. Un parcours assez dingue pour mon interlocuteur, tout à la fois agriculteur, viticulteur, chrétien engagé, municipal, député, voyageur, entrepreneur, amoureux de la nature et curieux du monde dans lequel on vit. «J’éprouvais le besoin de revisiter cette trajectoire, d’évacuer certains mauvais souvenirs et d’en mettre d’autres en évidence.»

En 1933, ses parents avaient pris en fermage le domaine de la ferme du château à Echichens. À 15 ans, l’éveil de la profession se développe chez lui. Après deux stages en Suisse alémanique et en Allemagne, il suit une formation agricole, notamment en viticulture et arboriculture qu’il complète plus tard par une maîtrise fédérale.

En 1964 un incendie détruit la ferme. En 1968, il reprend l’entreprise et les débuts sont mouvementés. Des changements de stratégie interviennent, «tout roule», mais un coup de tonnerre dans un ciel bleu intervient: le bail à ferme est résilié pour 1981. «Nous sommes secoués par cette décision imprévisible des propriétaires», explique-t-il. Pour rebondir, faut-il s’expatrier, changer de profession? Après quatre ans de questionnement, de recherche, Jacques et Rachel acquièrent une partie des terrains du domaine qui, entre temps, a été morcelé et y construisent la ferme des Frênes, objets transmis en 2009 à une de leurs quatre filles et à leur gendre. Un nouveau déménagement volontaire se dessine et les recherches les mènent à L’Isle. C’est un arrachement pour le couple, mais petit à petit, des liens se créent, Jacques s’engage au Conseil communal, des invitations se multiplient et ils prennent racine dans leur nouvelle commune d’adoption avant de s’établir à Cossonay.

Dans toutes ses activités, l’importance de la notion de groupe s’est imposée à lui. Que ce soit en famille, professionnellement, à l’Eglise, sur le plan politique dont il retient de belles expériences humaines et relationnelles avec ses collègues municipaux et députés. Homme de droite, il a beaucoup contribué à faire passer des idées sociales connotées à gauche.

Entre lecture et méditation

Ses hobbys se nomment lectures, méditation, chant, fitness et randonnées en compagnie de Rachel. «Et puis, l’important est de vivre, de faire et d’être. J’aime aussi beaucoup rencontrer les gens», ex-plique-t-il, avant d’ajouter qu’on l’avait fait redoubler très tôt à l’école, car le gaucher devait apprendre à écrire à droite. «Dès lors, je me suis beaucoup dénigré. Ces ressentiments de l’enfance sont durs à déblayer, même si après, j’ai vécu un chemin de vie passionnant. Le regard des autres m’a fait prendre conscience de certaines de mes qualités. Je garde en moi un aspect anxieux, sans la sérénité que je devrais avoir en fonction des valeurs que je professe. Mais je progresse», dit-il. Etonnant d’entendre ces propos, car vu de l’extérieur, il ne donne pas du tout cette impression!

La conversation s’engage ensuite sur des questions liées à la vie et la mort, à la souffrance, au pouvoir de la foi, à la notion de joie aussi. Il souligne régulièrement ses propos par des versets bibliques ou des citations. Par rapport à celle attribuée à André Malraux, «Le 21e siècle sera spirituel ou ne sera pas», il est convaincu qu’en chaque homme réside un vide qui a la forme de Dieu.

Accompagner la jeunesse

Il s’interroge cependant: «Quelle forme de spiritualité? Comment les chrétiens communiqueront ils le tout autre en termes contemporains audibles et en cohérence avec la science et les préoccupations existentielles d’aujourd’hui? Comment allons-nous accompagner la jeunesse soucieuse de l’avenir de notre planète et en recherche de sens? Beau défi en perspective!»

Claude-Alain Monnard

Photo Céline Egger

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5 avril 2024Infos