RENCONTRE AVEC L’ACTUEL ET L’ANCIEN RÉDACTEUR EN CHEF DU MESSAGER BOITEUX

Alors que la 316e édition du Messager boiteux vient de sortir, nous sommes allés à la rencontre de Marc David, qui le rédige depuis sa ferme de Chavannes-le-Veyron.

Lentement mais sûrement tel son emblématique ambassadeur à la jambe de bois… Voilà comment chemine l’almanach du Messager boiteux en Suisse romande depuis 1708. Louis XIV aurait pu le lire. Notre Prix Nobel de Physique 2019 Michel Mayor, dont l’interview ouvre cette édition 2023, le fait. Les idéologies passent. «Notre almanach, qui se veut areligieux et apolitique reste! Les deux pieds enracinés dans le terroir romand, son bon sens et son savoir populaire», image Marc David (58 ans), rédacteur en chef de la publication depuis 2014.

Secret de « futurologie » bien gardé

«Ces 20’000 exemplaires de 182 pages s’écoulent principalement sur Fribourg, Vaud et en Valais», souligne Roger Simon-Ver-mot de La Sarraz, qui fut le prédécesseur de Marc David.

La colonne vertébrale de cette publication, propriété depuis 1974 de la société Säuberlin & Pfeiffer SA, basée à Châtel-Saint-Denis, ce sont les bluffantes prévisions météorologiques. La canicule de 2003 y a par exemple été prévue une année et demie à l’avance… «Tout cela repose sur des observations fines faites patiemment au XVIIe siècle par un Abbé allemand de Bamberg et puis il y a aussi un secret qu’on se passe jalousement de rédacteur en chef à rédacteur en chef…», révèle Marc David.

Un morceau de patrimoine

L’almanach comporte aussi des horoscopes, un calendrier des foires et des Saint «utilisé par Philippe Jeanneret pour sa météo sur la RTS», révèle Marc David, un résumé chronologique des faits marquants des douze mois précédents, des portraits, des recettes gastronomiques ou de grand-mères, des reportages mettant en valeur la beauté et la diversité des traditions romandes et bien d’autres choses dont un long texte en patois.

«De nombreux fidèles collectionnent nos almanachs et les annotent. Certains les récupèrent précieusement au décès de leurs parents. Un voisin paysan en a ainsi une centaine en tout», explique Marc David. Certains percent un trou dans le coin de l’almanach pour y glisser une ficelle et l’attacher à portée de main dans leur salon… Les lecteurs lambdas ont souvent plus de 60 ans, mais certain jeunes s’y remettent. «Le mouvement de retour à la nature et aux racines qui contrebalance une tendance inverse à rejeter tout ce qui vient du passé y contribue», analyse Roger Simon-Vermot.

Un mystère qui habite…

L’historienne Liliane Des-ponds, dans son livre «Messager boiteux, trois siècles d’histoire au travers des terroirs» soulignait que «l’acheteur d’un almanach commet un geste symbolique qui le relie à un passé fort reculé.» C’est cette chaîne qui porte Marc David. «Le messager parle d’appartenance et d’identité et montre que ces thèmes appartiennent à chacun(e) et pas seulement à la droite conservatrice…» , relève celui qui est aussi journaliste à l’Illustré.

La nouvelle édition est dévoilée le dernier samedi d’août sur la place du Marché de Vevey. Jusqu’à l’an dernier, elle était vendue à la criée sur les foires et comptoirs de Suisse romande. Mais Jean-Bernard Kammer, qui s’y collait depuis 31 ans, a rangé son bérot. «99% de mes acheteurs sont du troisième âge et la pandémie m’a fait perdre 80% de mon chiffre d’affaire en 2020», révélait alors le Montreusien.

«Le Messager était déjà remis en cause il y a un siècle et il est toujours là. Même si aujourd’hui on a parfois 300 chaînes sur sa télé, il a toujours sa place», répond Marc David. Le Vaudois a 316 ans d’histoires derrière lui. L’Histoire et les ventes en kiosques continueront de lui donner raison!

Laurent Grabet

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