Je ne sais pas combien de tours on a faits sur nous-mêmes, vendredi passé. Devant moi, Caroline – un homonyme – a carrément décidé de se lever pour mieux suivre des yeux Yann Lambiel. Dans le Kubus, l’imitateur se balade tout autour de la salle, se faufile au milieu des fauteuils et se suspend par moments à une petite tyrolienne. Les 180 personnes présentes ne savent plus où donner de la tête, ni à quel Yann Lambiel se vouer. Il est partout, démultiplié sur les écrans LED qui tapissent les parois de cette drôle de tente noire installée à la promenade du Petit-Bois, à Morges.

Bienvenue dans la quatrième dimension

«On vit un truc physiquement, commente l’intéressé. À un moment donné, le public se retrouve de toute façon au premier rang.» Et c’est vrai: grâce aux sièges pivotants, aucun risque de torticolis. On a tout loisir de se tourner pour observer ce qui se passe devant nous, derrière nous, à gauche, puis à droite.

Dans «Connecté», son nouveau spectacle, le Morgien nous propulse dans un décor qu’il a souhaité futuriste. «Je voulais que ce soit magique, que les gens oublient un peu leur vie», explique-t-il. Un parti pris qui tient d’abord au Kubus, ce concentré de technologie imaginé par la société Plasma communication, dans lequel on lui a suggéré, un jour, de se produire. Un immense écran LED à 360 degrés, c’est super, mais à quoi bon? «On peut tout faire et rien faire avec, répond Yann Lambiel. Et ça peut très vite être kitsch.»

Spectacle plus personnel

Et si c’était l’occasion de percer à jour ce qui se passe dans sa boîte crânienne? «J’ai tout de suite eu la vision de ce gars avec des lunettes et un col roulé à la Steve Jobs», raconte l’humoriste. Une histoire de puce cérébrale, voilà ce qu’il lui faut pour embarquer le public à la découverte de ses émotions, de ses souvenirs et mêmes de ses fantasmes. Le résultat donne à voir une fresque assez intimiste, entre photos de famille et anecdotes vécues. Dans «Connecté», on a le sentiment que c’est davantage Lambiel qui tient la scène que les Constantin, Wawrinka et consorts qu’il se plaît habituellement à singer. «Je voulais un spectacle plus personnel, où j’ose parler de choses qui m’interpellent, annonce-t-il. Brélaz, je sais faire. Mais Yann, déjà moins.»

Et alors, il est comment ce Yann, que le metteur en scène Christophe Burgess l’a aidé à cerner? «C’est un personnage parfois un peu naïf et dépassé, mais qui a un côté showman. J’aime faire plein de choses différentes: des claquettes, de la ventriloquie et de l’ukulélé. Si je devais me lancer un vrai challenge, ce serait de faire du stand-up avec un verre d’eau et une table, mais je pense que je m’ennuierais, confie-t-il. Ce qui me plaît, c’est de sauter sur ma tyrolienne et de bouger.»

L’ukulélé, il l’a appris expressément pour l’occasion. Lorsque tout s’éteint, en plein milieu de «Connecté», il ne lui reste plus que cet instrument pour s’exprimer et une lampe torche pour se repérer. Suffisant pour se lancer dans une interprétation des génériques des séries les plus mythiques. Son auditoire, en liesse, lui réclame «Capitaine Flam», «Candy» et «Goldorak».

Les bugs, la panne, la machine qui tente de prendre le dessus: tout cela aussi fait partie du show. «Je ne maîtrise pas la technologie, mais j’en suis esclave, comme tout le monde», explique l’artiste, qui a décidé d’en jouer.

Johnny Hallyday et Néron

Le Kubus, d’ailleurs, lui permet de faire vivre toute une galerie de personnages dont les visages s’affichent sur les murs. Lorsque les lèvres de Louis XIV se mettent à bouger, c’est Daniel Brélaz que l’on entend. Patrick Bruel, lui, prête sa voix à Molière, alors que Johnny Hallyday s’acoquine avec Néron. Sur les accords d’«Allumer le feu», évidemment.

Dans «Connecté», finalement, «il n’y a pas moins d’imitations, mais elles sont plus courtes», résume Yann Lambiel. Et il y a aussi tous ces pas de danse qui lui ont demandé «un bon mois de préparation» et qu’il exécute, en symbiose avec son double virtuel, sur Michael Jackson, Elvis Presley ou Las Ketchup.

Se renouveler, toujours

Avec ce onzième one-man-show, le Morgien de 50 ans a résolument décidé de surprendre le public qui le suit depuis vingt-cinq ans. Après tout ce temps, avait-il peur de lasser celles et ceux à qui il chante «Merci d’être encore là»? Que nenni. «Je pense que c’est moi qui m’ennuie, répond-il. Après «Multiple» (ndlr: son précédent spectacle), je voulais vraiment faire autre chose.»

Restait à relever le défi: «J’étais assez confiant, je sais que les gens aiment vivre quelque chose de différent. Rien que le fait de s’asseoir sur ces chaises qui tournent, c’est déjà un bout du spectacle.»

Yann Lambiel se produira à Morges jusqu’au printemps, avant de partir en tournée en Suisse romande avec le Kubus. Infos sur www.yannlambiel.ch. ■

C’EST QUOI CE KUBUS, EXACTEMENT ?

On l’avait aperçu à Morges en décembre 2021, du côté du Parc des Sports. Le Kubus, c’est une structure événementielle de près de 400 mètres carrés déplaçable au gré des envies et des besoins. Celle-ci a été imaginée par la société vaudoise Plasma communication, spécialisée dans la location de matériel technique vidéo. À l’intérieur de ce drôle de cube, les murs sont composés de plus de 800 petits modules haute résolution qui forment un écran géant continu à 360 degrés. De quoi projeter tous types d’images et immerger le public – l’espace peut accueillir jusqu’à 300 personnes – dans n’importe quel univers. Dans «Connecté», Yann Lambiel embarque notamment le sien dans une opération de survol du Lavaux.

TEXTE CAROLINE GEBHARD / LA CÔTE
PHOTO THOMAS MASOTTI

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